Au premier abord ses sculptures nous paraissent en effet familières : ne niant pas leurs formes dérivées des mannequins de vitrine, les silhouettes et les gestes en sont encore plus ordinaires et proches de nous-mêmes. Puis à l’observation c’est notre mémoire qui est sollicitée : ces gestes ne sont en fait pas si anodins, et il nous semble bien reconnaître de célèbres photos rentrées dans l’histoire collective, celles qui nous marquent plus personnellement, quand des anonymes, des gens comme vous et moi mais sans doute avec quelque chose en plus, trouvent le courage de s’opposer, au risque de leur vie, aux puissances les plus répressives. Ici, l’homme de la place Tian’anmen en 1989, et l’opposante à la guerre du Vietnam à Arlington en 1967.
Pourquoi des sculptures creuses ? Au départ parce que Brigitte Zieger, qui part d’images, ne dispose pas de toutes les informations permettant de reproduire dans l’espace l’intégralité des personnages. Ensuite parce que cela s’est trouvé en enrichir le propos : elles manifestent davantage l’absence, voire la disparition des individus dans le flot de l’histoire, en même temps qu’elles nous invitent imaginairement à nous projeter à l’intérieur. Et non seulement notre contemplation s’en trouve perturbée dans son exercice même, mais l’artiste peut-elle de surcroît en faire acte de résistance personnelle, en y affirmant sa préférence pour un art inquiet, capable d’interroger sa propre légitimité et sereine plénitude dans un monde qui tremble et défaille.
Philippe Fernandez
Pour en savoir plus sur
Brigitte Zieger
Galerie Odile Ouizeman